Introduction
La patate douce connait une nouvelle dynamique en Afrique sub-saharienne. Au cours de ces dernières années, son rôle dans la nutrition et la sécurité alimentaire dans les pays ouest africains a significativement évolué. Au-delà de son aptitude à fournir une qualité nutritionnelle aux populations, elle contribue également à réduire la pauvreté des personnes vivant dans les zones rurales et qui sont impliquées dans les chaines de valeur de la patate douce. L'un des problèmes qui freine la promotion de la culture est la forte pression exercée par le charançon de la patate douce (Cylas spp.) qui cause d'énormes dégâts aussi bien au champ que leur de la conservation. Au Ghana, deux différentes espèces du genre Cylas ont été identifiées en 2016 grâce à l'appui technique et financier de l'Institut royal des Sciences naturelles de Belgique (IRSNB). Le présent projet de sensibilisation intitulé « Sensibilisation et partage d'informations sur l'impact du charançon de la patate douce sur la sécurité alimentaire en Afrique de l'Ouest: cas du Ghana » financé par l'Institut royal des Sciences naturelles de Belgique et la Direction générale de la coopération au développement (DGD), avait pour but de: (i) partager les informations sur les espèces de charançon présentes, (ii) sensibiliser les populations sur l'importance économique du ravageur par les dégâts qu'il cause, et de (iii) proposer des méthodes de gestion du ravageur et qui favorisent la préservation de la biodiversité.
Ce travail de sensibilisation a été exécuté dans trois différentes localités au Ghana (Golinga, Dabia et Lumé) du 29 avril au 2 mai 2017. Les critères utilisés pour sélectionner ces localités sont les suivantes: (i) le nombre d'années d'expérience des personnes impliquées dans la production de la patate douce, (ii) la superficie exploitée par chaque producteur doit être supérieure ou égale à 0,5 hectare. Les localités Golinga, Dabia, et Lumé sont respectivement situées dans les régions du Nord, de l'Upper East et de la Volta. Ces trois localités sont très éloignés l'une de l'autre et représentent les zones à forte production de la patate douce au Ghana. Le Ministère de l'agriculture et de l'alimentation (MoFA) et l'Institut de recherche agronomique de la savane (SARI) ont été fortement impliqués dans l'organisation des rencontres et le choix des communautés. En plus des institutions nationales ghanéennes, le Centre International de la pomme de terre (CIP) a été aussi associé dans les différentes séances de sensibilisation.
Sensibilisation à Golinga
La première rencontre s'est déroulée le 29 avril 2017 dans la communauté de Golinga située dans le district de Tolon (Tamalé) à 618 km au Nord d'Accra. Cette rencontre a réuni 82 personnes et a porté sur le partage d'informations sur l'impact du charançon de la patate douce sur la sécurité alimentaire par les dégâts qu'il engendre. Après une brève introduction portant sur l'objectif de la rencontre, les premiers échanges ont porté sur la vraie identité du ravageur dans leur système de production. La plupart des participants interrogés sur leurs connaissances sur l'identité du ravageur dans les racines tubercules, ont répondu ne connaître que le stade larvaire du ravageur. Ils ont brillamment décrit les types de dégâts causés par la larve du ravageur. Les participants ont relaté que lorsque le charançon attaque les racines tubercules, leur production est affectée et le produit devient inconsommable. Une discussion a été menée sur la façon dont le ravageur est contrôlé au champ. Les participants ont évoqué les différentes méthodes de lutte qu'ils adoptent. Ces méthodes évoquées sont très proches des méthodes de bonnes pratiques agricoles mentionnées dans le dépliant distribué. La seule méthode de lutte qui n'a pas reçu un consentement général est l'usage des pesticides à cause du danger qu'ils constituent pour l'homme et l'environnement (sol, cours d'eau, eaux souterraines). L'usage des pesticides chimiques pour combattre le charançon de la patate est prohibé dans beaucoup de régions au Ghana.
Sensibilisation à Dabia
La seconde rencontre s'est déroulée le 01er mai 2017 dans la localité de Dabia qui est à plus de 200 km au Nord-Est de Tamalé. Elle a réuni plus de 120 participants dont la grande majorité était les petits exploitants agricoles. Les femmes ont participé activement à la rencontre malgré leurs multiples occupations. Les participants ont reconnu que le charançon de la patate douce constitue une véritable menace pour leur production mais ne disposent que de très peu de moyens de gestion du ravageur. Les participants ont été donc formés sur les méthodes de luttes à utiliser et les bonnes pratiques agricoles à adopter.
Sensibilisation à Lumé
La troisième rencontre s'est déroulée à Lumé dans le district d'Akatsi qui est à 150 km au Sud-Est d'Accra. A Lumé, la sensibilisation n'a pas connu la même affluence que dans les deux autres localités. Cependant, les femmes ont répondu massivement à notre invitation malgré leurs multiples occupations. A Lummé, les femmes sont les principaux acteurs impliqués dans la production de la patate douce. Avec les bénéfices issus de la commercialisation du produit, les femmes assurent l'éducation de leurs enfants et leurs subsistances. Cette rencontre leur a donc permis de se familiariser des techniques de gestion durable du ravageur au champ et durant le stockage. A part le charançon identifié comme première contrainte dans la production de la patate douce, les femmes ont également souligné le manque d'accès à un marché stable. Plus la durée de stockage de la patate douce est longue, plus elle est très susceptible à l'attaque du ravageur.
Conclusion
Dans les trois communautés où les rencontres ont été effectuées, les acteurs ont salué l'initiative de l'IRSNB et de la DGD. Les producteurs ciblés ont reconnu que ce programme de sensibilisation était venu à point nommé parce qu'il coïncide avec le début de préparations des parcelles pour l'installation de la patate douce dans certaines zones. Les producteurs ont été très enthousiastes d'apprendre qu'il existe des méthodes de gestion du ravageur moins onéreuses et qui pourraient augmenter significativement leur rendement. Les sensibilisateurs locaux (vulgarisateurs) ont promis d'intégrer ces activités de sensibilisation dans leur agenda de travail. Un grand nombre de dépliants a été distribué aux vulgarisateurs dans chaque localité pour faciliter le déroulement des sensibilisations qui se feront ultérieurement. L'information présente sur les dépliants a été rédigée en anglais et la version française est en cours de traduction. Vu le succès connu auprès des producteurs et vulgarisateurs lors de la réalisation de ces activités de sensibilisation au Ghana, je serai très ravi si la DGD et l'IRSNB pourraient financer la même activité au Togo.